Les aspects symptomatiques
L‘association d’une personnalité sensitive et d’une expérience vécue d’humiliation sont le point de départ de l’apparition d’idées délirantes. Ernst KRETSCHMER a regroupé ces troubles en 4 groupes de manifestations différentes, qui font tous partie de la même maladie.
- le délire de relation sensitif
- le délire dissociatif aigu
- la névrose de relation sensitive
- la bouffée délirante apparentée aux obsessions
Ernst Kretschmer indique que des combinaisons et des évolutions diverses peuvent se produire entre ces états.
1. Le délire de relation sensitif
Ce type de délire, de beaucoup le plus fréquent, a la forme symptomatique systématisée de la paranoïa. C’est un délire systématisé sur un mode assez proche de l’ obsession avec des ruminations obsédantes très souvent répétées. Il est “non dissociatif ”, c’est-à-dire que son mécanisme délirant est principalement interprétatif : le sensitif perçoit correctement les choses mais les interprète de façon erronée. De ce fait il n’appartient pas au groupe des schizophrènes.
Par exemple les paroles ou les gestes de son entourage vont être interprétées comme du mépris ou des menaces contre lui. Le sensitif échafaude subtilement ses idées délirantes en des combinaisons ramifiées et ingénieuses, interprétant des conversations courantes, des entrefilets de journaux, des attitudes inhabituelles des proches ou du voisinage.
Le délire de relation s’organise d’après Ernst KRETSCHMER à partir d’un mécanisme psychopathologique de “rétention consciente de groupe de représentations fortement chargés d’affects” qui concernent par exemple des conflits dans le domaine éthico-sexuel ou professionnels.
Cette rétention maintient un état de tension physique “isolé de la conscience” qui provoque un ralentissement affectif comme “un corps parasitaire “.
La sensitivité, une fois constituée, se différencie nettement des autres formes de paranoïa (passionnelle ou d’interprétation) par sa vitesse de réaction à des événements facilement repérables à proximité, par son caractère asthénique et son absence de quérulence.
Les thèmes des délires sont principalement récurrents et peuvent être :
- des idées de persécution, de mépris, de vexation ou de se croire surveillé.
- des atteintes à ses valeurs morales ou religieuses.
- des conflits de conscience entre ses valeurs morales ou religieuses et la pratique de sa sexualité.
- des sujets à connotation dépressive.
Contrairement au schizophrène, le sensitif décrit par Ernst KRETSCHMER a peu ou pas du tout d’hallucinations visuelles ou auditives. Cependant nous avons vu que les « délires instables » décrits par J.M. SUTTER et J.C. SCOTTO pouvait présenter de telles hallucinations.
2. Le délire dissociatif aigu
C’est le degré extrême du délire de relation sensitif. Le délire est dit dissociatif car il n’y a pas de lien logique entre les idées délirantes du patient.
Ernst KRETSCHMER le définit ainsi dans la 3ème édition de son livre « Paranoia et Sensibilité » :
« Le délire de relation atteint son degré suprême lorsque l’état paranoïaque se transforme en un délire dissociatif aigu. Ce dernier apparait, en phase critique de courte durée, au paroxysme des psychoses sensitives les plus graves. Son aspect psychique se caractérise par les tensions extrêmes des affects et son contenu par l’apparition des groupes de représentations catatoniformes, d’influence physique, de transmission de pensée et des sentiments d’étrangeté. En plus il se traduit par un relâchement des liens associatifs et par une tendance à transformer le désespoir en un délire de grandeur. Son tableau symptomatique se distingue aussi des états schizophréniques dans l’acceptation restreinte de ce terme, par l’absence d’une conscience concrète immédiate de l’expérience délirante, par une fluctuation constante du sens du réel, par l’absence de l’attitude autistique, par une attitude affective naturelle d’un abord facile et par de la sociabilité.
Cette forme du délire aigu sensitif est particulièrement dangereuse pour le patient puisqu’il n’a pas conscience de l’expérience délirante et qu’il n’a qu’un sens fluctuant du réel. Son hospitalisation immédiate est donc impérative.
3. La névrose de relation sensitive
Kretschmer englobe sous ces termes “tous les états où la valeur de la réalité des idées de relation reste en dessous de la limite psychotique.”
Ce type “ peut former une étape initiale prolongée des maladies mentales ultérieures. Mais ce sont surtout les névroses de relation secondaires qui ont de l’importance parce qu’elles peuvent, après la disparition d’un délire de relation sensitif laisser un résidu durable…Ces états portent en eux les prédispositions aux rechutes psychotiques“.
Dans un autre passage, Kretschmer indique : » il est important de souligner en rapport avec la névrose le fait que la névrose chez un individu spécifiquement prédisposé n’a besoin d’un motif pressant que pour sa première apparition. Par la suite, de faibles motifs de la vie de tous les jours suffisent pour mettent en branle les mécanismes obsessionnels.”
Tout se passe comme si le psychisme du sensitif prenait l’habitude de l’emergence de la névrose. Nous avons remarqué que ceci est aussi vrai pour le délire de relation et même pour le délire aigu. Il est donc important lorsque le niveau des troubles est faible d’en profiter pou parfaire le traitement médicamenteux.
4. La bouffée délirante apparentée aux obsessions
Ce type sous une forme nette est rare : Ernst Kretschmer dit ne l’avoir rencontré sous cette forme qu’une seule fois. Cette bouffée a pour base une grave nervosité d’ou surgissent brusquement des idées délirantes à de courts intervalles. Cette forme se rapproche des névroses obsessionnelles.