Déroulement des troubles
Le sensitif doit être impérativement suivi régulièrement par un médecin psychiatre. Les informations qui vont suivre ne prétendent en aucun cas se substituer à un avi médical.
Elles sont le fruit de toutes les expériences vécues par les sensitifs. Si il n’existe pas une sensitivité mais des sensitifs différents, il reste qu’il existe de nombreux points communs entre sensitifs qui peuvent être échangés. Cet échange est très bénéfique pour tous.
1. Un diagnostic difficile
Le diagnostic de la sensitivité est généralement difficile à établir. Certains patients attendent parfois de nombreuses années avant que le bon diagnostic ne soit trouvé. Ernst Kretschmer écrit [1] :
“De toute façon, pour déceler ces cas, en général, il est nécessaire de bien les approfondir. Ce qui prend beaucoup de temps. Il faut également établir un contact affectif psychothérapique avec ces malades. Les procédés habituels de descriptions, employés en psychiatrie de surface, ne permettront jamais de découvrir un délire de relation sensitif. Par conséquent on peut faire foi aux affirmations de certains auteurs qui disent ne l’avoir jamais rencontré.”
Cette difficulté est augmentée par le fait que les cas de sensitivité sont assez peu fréquents donc peu connus.
Le polymorphisme de la sensitivité complique aussi le diagnostic : les troubles peuvent se présenter sous les 4 formes décrites par Kretschmer mais aussi sous les formes apparentées.
La ressemblance avec d’autres troubles rend difficile le diagnostic différentiel envers eux.
Il est en particulier vraiment très difficile de distinguer le délire aigu sensitif dissociatif de la schizophrénie. Ernst Kretschmer indique à ce sujet [2]:
“Des difficultés pronostiques sérieuses se posent dans les cas où des mécanismes de types de “réactions schizophréniques” surgissent au point culminant d’un trouble sensitif, pour disparaitre ensuite sans laisser de traces.” Cette similitude entre ces deux maladies est dangereuse car chacune d’elles se soignent avec des traitements médicamenteux différents comme nous le verrons par la suite.
Enfin, la difficulté du diagnostic est encore accrue par la tendance des sensitifs au déni de leurs troubles comme indiqué ci-après.
2. Tendance au déni des troubles
Les sensitfs ont en général une opinion changeante et ambivalente sur leurs troubles.
Dans le cas les moins graves des névroses de relation, ils peuvent par exemple reconnaitre qu’ils ont des idées de persécution, sans pour autant accepter de se faire soigner ou accepter de prendre des médicaments. Ils leur arrivent aussi d’accepter les soins.
Dans les cas plus graves des délires de relations ou des délires aigus, le sensitif est persuadé qu’il va très bien et que ce sont les autres qui lui veulent du mal. Dans ces cas, il n’accepte pas sa maladie. Il peut par exemple mentir au médecin pendant des mois en lui faisant croire qu’il prend les médicaments qu’il lui a prescrit. Il peut aussi tromper l’infirmier qui veut s’assurer qu’il a pris le médicament en le cachant sous sa langue et en le recrachant par la suite. Parfois il pense que les médecins sont de faux médecins, et qu’ils lui veulent du mal.
Les proches ont un rôle important à jouer. Ils doivent vérifier de façon la plus fiable possible que le sensitif prend bien ses médicaments. Dans la négative il doivent prévenir le médecin et demander l’hospitalisation si nécessaire. Le sensitif peut passer en effet plusieurs mois sans médicament et sans délire. Le sensitif en profitera pour se persuader qu’effectivement il n’est pas malade, car tout se passe bien se dit-il, sans médicament. Mais il est fort probable qu’à nouveau le délire va réapparaitre. Il faut éviter les rechutes par la prise en continu des médicaments car petit à petit, comme l’indique Ernst Kretschmer l’organisme prend l’habitude des rechutes (voir névroses de relation).
Le déni de la maladie empêche de suivre correctement le traitement médicamenteux : c’est donc un obstacle presque absolu à la stabilisation. Il est fréquemment difficile de convaincre un sensitif de sa maladie. On comprend bien en effet qu’accepter d’être malade, c’est accepter une image de soi très dévalorisée. Or cela blesse vivement son amour propre très élevé.
De plus sa méfiance très vive le pousse à croire que les médicaments vont changer sa personnalité. D’ici à penser que les soignants et les proches qui l’encourage à prendre les médicaments lui veulent du mal, il n’y a qu’un pas qu’il franchit facilement. C’est pour ces raisons plus ou moins conscientes, qu’il ne veut pas se reconnaitre malade.
Cependant, il existe un moment privilégié où le sensitif est plus réceptif que d’autres : c’est à la sortie de l’épisode délirant. En effet à ce moment là, le sensitif a bien en tête les délires et les idées noires qui l’ont fait souffrir pendant de longues journées. Il se rend bien compte que les médicaments au lieu de l’anéantir lui ont permis de retrouver l’équilibre et la joie de vivre.
Ce moment privilégié doit être mis a profit par les soignants et les proches pour montrer au sensitif avec beaucoup de tact que les médicaments lui ont permis de retrouver sa personnalité. Il faut essayer de le persuader sans le vexer car le sensitif est très susceptible. Dans quelques mois, il risque d’avoir tout oublié et arrêter le traitement sans le dire à personne.
1.Paranoïa et sensibilité, 3ème édition ,1963, PUF, page 12
2.Ibid. page 6